La crise de STMicroelectronics, symptôme du retard européen dans la course aux micro-processeurs
Alors que le marché des semi-conducteurs est en plein boom, le géant franco-italien STMicroelectronics traverse une phase compliquée et peine à rattraper son retard technologique. Un signe de l’échec du Chips Act européen ?
« Le plus grand investissement industriel des dernières décennies hors nucléaire. » En juillet 2022, Emmanuel Macron se rendait à Crolles (Isère) pour annoncer une « méga-fab » de microprocesseurs à 5,7 milliards d’euros, dont 2,9 milliards d’aides d’Etat. Un projet porté par le géant franco-italien STMicroelectronics et l’américain GlobalFoundries, qui doublerait la capacité de production du site d’ici à 2027 et créerait 1 000 emplois.
Trois ans après, les doutes s’accumulent…
« Le plus grand investissement industriel des dernières décennies hors nucléaire. » En juillet 2022, Emmanuel Macron se rendait à Crolles (Isère) pour annoncer une « méga-fab » de microprocesseurs à 5,7 milliards d’euros, dont 2,9 milliards d’aides d’Etat. Un projet porté par le géant franco-italien STMicroelectronics et l’américain GlobalFoundries (GF), qui doublerait la capacité de production du site d’ici à 2027 et créerait 1 000 emplois.
Trois ans après, les doutes s’accumulent. GlobalFoundries ne contribuerait ni à la construction du bâtiment, ni à son équipement, tandis que ST traverse une période compliquée : au premier trimestre 2025, son chiffre d’affaires est en baisse de 27 % sur un an et son bénéfice s’est effondré de 89 %. Son cours à la Bourse de Paris a lui chuté de 43 % en un an1. Si son PDG Jean-Marc Chéry évoque un « point bas » et promet une marge d’exploitation de 22 à 24 % d’ici 2027-2028, les actionnaires sont inquiets. Certains, dont l’Etat italien, réclament donc son départ, dans un bras de fer aux lourdes implications.
Pour les rassurer, le groupe a annoncé en avril 2 800 « départs volontaires », soit 6 % de ses effectifs mondiaux, dont 1 000 en France. Outre ces suppressions d’emplois, Nadia Salhi, déléguée CGT chez ST Crolles, dénonce aussi la délocalisation de la ligne de production de Tours à Singapour, qui indiquerait un tournant vers l’Asie, au détriment de l’Europe, berceau historique de ST. Interrogée, Nelly Dimey, directrice de la communication de ST, affirme « qu’il n’y a pas de stratégie de délocalisation » mais n’a pas répondu davantage sur ce point.
La mauvaise santé de ST contraste en tout cas avec la croissance insolente du secteur des semi-conducteurs, dont le chiffre d’affaires mondial a atteint 626 milliards de dollars, en hausse de 18 %, en 2024 selon le cabinet de conseil en technologies Gartner. Les 1 000 milliards pourraient être atteints en 2030, tant les débouchés sont nombreux : appareils électroniques, industrie, data centers, réseaux télécoms, aérospatial, armement, transition énergétique… auxquels s’ajoutent désormais l’intelligence artificielle et les voitures électriques.
Un secteur hyperconcentré
Mais les bénéfices de cette prospérité sont très concentrés. La production se fait surtout en Chine (24 % prévus pour 2025, selon la Semiconductor Industry Association) à Taïwan (18 %), en Corée du Sud (18 %) et au Japon (15 %), contre seulement 11 % pour les Etats-Unis et 8 % pour l’Europe. Et cette répartition globale occulte des concentrations encore plus fortes : le secteur se divise entre puces analogiques (capteurs, oscillateurs) et numériques (mémoires, processeurs), ces dernières étant les plus disputées.
En vertu de la loi de Moore© Alternatives Économiques
