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L’artisanat d’art : des métiers pour créer et entreprendre ?

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19.04.2025

FORUM INNOVATION 2025 - 3

Du 31 mars au 6 avril 2025, se sont déroulées les Journées Européennes des Métiers d’Art (JEMA). Organisées depuis 2002 en France, et depuis 2012 à l’échelle de l’Europe, elles ont vocation à mettre en lumière les métiers d’art à travers de multiples manifestations (portes ouvertes, rencontres avec des professionnels, visites d’ateliers et de lieux de formation, démonstrations, conférences…) proposées dans 28 pays européens pendant une semaine au début du printemps. Cette vitrine annuelle nous incite à partager quelques réflexions, au prisme des sciences sociales, sur ce secteur d’activité particulier, aux contours souvent flous, situé aux confins de l’industrie et du luxe, de l’art et de l’artisanat, englobant des entreprises et des professionnels très différents. Nous nous intéresserons plus particulièrement ici à la façon dont les notions de métiers d’art et d’artisanat d’art (qui regroupent à l’heure actuelle une grande variété de métiers) ont émergé à la fois comme secteur d’activité économique et comme catégorie d’action publique, puis à la place importante de ces entreprises dans l’économie française.

De l’émergence des métiers d’art au soutien hésitant de l’Etat

La catégorie de métiers d’art voit le jour, paradoxalement, à la fin du XIXe siècle dans le contexte de la « révolution industrielle » en articulant des préoccupations esthétiques, économiques et commerciales. D’une part, des intellectuels anglais, tels que l’écrivain et critique d’art John Ruskin ou le designer William Morris, critiquent la laideur des paysages et des produits de la société industrielle et contribuent à l’essor du mouvement artistique Arts and Crafts qui appelle de ses vœux un renouveau esthétique en prenant pour modèle, plus ou moins idéalisé, le travail des artisans. D’autre part, la concurrence internationale incite à améliorer la qualité des produits mis sur le marché par un rapprochement des arts et de l’industrie qui ouvre la voie aux arts industriels (Lamard, Stoskopf, 2013). En France, ceux-ci sont soutenus par la création d’institutions dédiées telles que l’Union centrale des arts appliqués à l’industrie (1863), l’Union centrale des arts décoratifs (1882) et enfin la Société d’encouragement aux arts et à l’industrie (1889) qui est souvent présentée comme l’ancêtre de l’actuel Institut des savoir-faire français qui a en charge l’organisation des JEMA. En réalité, ses partenaires sont bien davantage des industriels que des artisans. De même, les artisans ont bien du mal à exister face aux plus grandes entreprises dans les organisations professionnelles qui se mettent alors en place comme la Chambre syndicale de la céramique et de la verrerie (Jourdain, 2014). Enfin, quand l’artisanat s’organise aux lendemains de la Première Guerre mondiale (Perrin, 2023), les métiers d’art ne sont pas aux premiers rangs de ses revendications ; il est vrai que les artisans de ces métiers sont relativement peu nombreux en comparaison de ceux du bâtiment, de l’alimentation, du textile et du cuir ou des services (Boutillier, Perrin, 2025). Dès lors, en position........

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