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Décarboner les ports : un regard croisé Europe et Québec

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08.02.2025

Les écosystèmes portuaires sont aujourd’hui à la croisée des chemins pour répondre aux enjeux de neutralité carbone. A l’interface des politiques énergétiques, des politiques environnementales et des politiques des transports, les ports doivent répondre à un triptyque complexe : la décarbonation, la réindustrialisation et la résilience. Quelles sont les trajectoires suivies aujourd’hui en Europe et au Québec pour faire des ports des acteurs moteurs de la transition énergétique ?

L’Europe bousculée par la crise géopolitique

L’impératif de transition environnementale couplé au contexte de crise géopolitique engendré par la guerre russo-ukrainienne (augmentation du prix de l’énergie, dépendance envers le GNL américain, etc.) a ouvert une fenêtre d’opportunité inédite pour un déploiement accéléré des énergies renouvelables en Europe. En 2023, les États membres de l’UE ont investi près de 110 milliards d’euros dans la production d’énergies renouvelables.

La décarbonation et la réindustrialisation verte des ports européens s’inscrivent dans une temporalité de l’urgence, dans un contexte coercitif de bifurcation écologique et de résilience énergétique du continent (notamment dans le cadre du programme REPowerEU), en lien avec la mise en place d’une nouvelle économie bleue.

Se projetant comme des « hubs verts », de véritables « green gateways » vers une économie plus durable et compétitive, les ports entrepreneurs européens se veulent innovants à la fois au plan technologique, comme des expérimentateurs de nouvelles filières énergétiques, mais aussi au plan territorial, étant les moteurs d’un projet de développement économique local et communautaire.

Figure 1. Un paysage européen industrialo-portuaire réinventé par les énergies renouvelables. Ici le port d’Anvers en Belgique. Sylvain Roche

Que ce soit en méditerranée ou en mer du Nord, le concept de port producteur d’énergie décarbonée, qui veut relever le défi de produire de l’énergie renouvelable au plus près des centres de consommation (nearshoring), s’impose et s’accompagne par une transition paysagère portuaire. Les énergies renouvelables font entrer les ports dans un écosystème maritimo-énergétique réinventé.

Les ports européens disposent en effet de réserves foncières pour accueillir de nouvelles industries et activités, matures ou émergentes. Dans une approche d’écologie industrielle et d’économie circulaire, les zones industrialo-portuaires (ZIP) s’équipent de réseaux de chaleur, de plateformes de carburants alternatifs ou d’éoliennes, qu’elles soient terrestres (installées dans les ports) ou offshore – les équipements sont alors construits, ou transitent, dans les ports. Un objectif de 300 GW installés d’éolien offshore d’ici 2050 est aujourd’hui ciblé par l’UE.

Parallèlement, plusieurs mesures réglementaires obligent les ports européens à se mettre en action sur le volet décarbonation du transport maritime. En effet, l’UE prévoit l’obligation pour les principaux ports européens de s’équiper en prises électriques à quai pour les navires ferry, de croisière et les conteneurs pour 2030 au plus tard (vote du paquet Fit for 55), l’objectif étant de réduire de 80% les émissions des plus gros navires voguant dans l’UE d’ici 2050 par rapport à 2020.

Au Québec, des ports « déjà verts » par l’hydroélectricité

A la différence de leurs homologues européens, les ports québécois ne sont pas redessinés par les EnR. Là où les ZIP européennes sont pleinement mobilisées et mobilisables pour produire de l’électricité afin de répondre aux enjeux de sécurité énergétique du continent, les ports québécois ne sont pas vus, à ce jour, comme des « hubs de production d’énergie » mais essentiellement comme des plateformes logistiques, des ports de transit, avec tout ce qui tourne autour de la conteneurisation.

Contrairement à l’Europe, la réalité des coûts de l’énergie (et notamment de l’électricité) n’a pas encore rattrapé les ports québécois, où perdure une culture........

© Alternatives Économiques (Blog)