Le keynésianisme de guerre a-t-il un sens ?
L’arrivée de Trump au pouvoir provoque un bouleversement géopolitique avec un renversement des alliances, au moment où la Russie de Poutine progresse pas à pas en Ukraine. Les deux despotes sont sans doute en train de dépecer ce pays en se partageant territoire et matières premières. Face à cette offensive typiquement impérialiste, et aux menaces d’une guerre étendue dans d’autres pays européens limitrophes ou voisins de la Russie (pays baltes, Pologne…), l’Union européenne appelle à se réarmer et, déjà, plusieurs pays s’engagent dans un processus de forte augmentation des dépenses militaires (Suède, Finlande, France, Allemagne…). Outre le fait de vouloir parer aux menaces éventuelles, les partisans de l’« économie de guerre » arguent que celle-ci susciterait une dynamique de croissance économique dans une Union européenne bien en panne[1]. En quelque sorte, il s’agirait d’organiser un keynésianisme de guerre. Cela a-t-il un sens ?[2]
Le gouvernement français prévoit de porter les dépenses militaires qui sont de 50 Mds€ en 2025 à 70 Mds en 2030, voire à 100 Mds selon le ministre des armées, qui seraient « le poids de forme de la défense française », soit 3 à 3,5 % du PIB.
Si des investissements supplémentaires sont engagés dans les industries d’armement, avec des effets sur les chaînes de production alentour, il y aura une stimulation de l’accumulation du capital dans ces industries : de la valeur ajoutée en plus ; donc du PIB en plus, des salaires et profits distribués en plus[3], c’est-à-dire de la croissance de valeur en plus, mais pas de croissance de valeur d’usage pour la population[4]. En effet, vers où se tourneront ces revenus s’il n’y a pas de production de biens de consommation supplémentaires ? Vers des biens importés depuis les pays qui auront préféré produire des voitures électriques plutôt que des canons ? On voit alors que, s’il y a une extension de l’économie de guerre, le déséquilibre entre offre et demande de consommation ne peut être réduit que par un accroissement des impôts en proportion, et l’option contraire affirmée avec un aplomb inimitable par Emmanuel Macron ne serait réalisable qu’avec des coupes dans les autres dépenses. D’ailleurs, après Pearl Harbor en 1941, les États-Unis avaient pu transformer rapidement leurs chaînes de production dans le même temps où ils portaient les taux marginaux de l’impôt au plus haut. Et, plus loin en arrière, l’impôt sur le revenu en France est créé à la veille de la Première Guerre mondiale, mais n’entre en application qu’en 1916 car les emprunts ne suffisent pas pour payer l’effort de guerre.
Dans une note de conjoncture du 9 juillet 2024[5], l’Insee confirme que « le climat des affaires dans l’industrie de défense a nettement progressé depuis l’invasion de l’Ukraine, porté par la forte........
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